
Présentation de Sylvie Christofle
Sylvie Christofle est géographe et enseignant-chercheur à l’IAE Nice – Université Côte d’Azur (UCA). Ses recherches portent sur : le tourisme de réunions et de congrès/MICE, l’évènementiel, les stratégies territoriales de communication touristique via les réseaux sociaux numériques, le tourisme et les villes.
Elle est co-directeur d’études du Master Tourisme Management de l’hôtellerie internationale à l’IAE de Nice. Sylvie Christofle est membre de l’UMR ESPACE 7300 et membre associée à GRM (Groupe de Recherche en management-UCA).
En matière d’actualités de recherche, Sylvie Christofle a présenté en mai dernier une communication (« Covid19 et destinations touristiques congressuelles mondiales : analyse diachronique d’impact et de stratégies de sortie de crise ») lors du colloque international : « City, Events, Mega-events and Tourism » organisé par l’association AsTRES et ORME (Observatoire pour la Recherche sur les Méga-Evènements). A l’occasion de la publication de son dernier article, paru dans Juristourisme en juin 2021, « Tourisme d’affaires – phygitalisation : une mutation durable ? », elle nous a accordé un entretien pour échanger sur le tourisme de réunions et de congrès et les évolutions de ce secteur.
Une question de vocabulaire :
Sylvie Christofle rappelle que la terminologie est importante, particulièrement quand est abordée la notion de tourisme d’affaires, prêtant généralement à confusion !
En effet, le tourisme d’affaires comporte plusieurs branches, dont l’une d’elle est le TRC – Tourisme de Réunions et de Congrès qu’étudie Sylvie Christofle. Le TRC est appelé en anglais nord-américain « Convention Tourism ». Toutefois, la chercheuse explique qu’il faut faire attention lorsque l’on parle de congrès : en anglais britannique c’est le mot « conference » qui est couramment utilisé, et en anglais nord-américain, c’est le mot « convention » est équivalent au terme « congrès » français ! Un faux ami ? « Congress » qui correspond aux Etats-Unis au Parlement. La terminologie « congress » est donc relativement peu utilisée par les Anglo-Saxons au contraire de locuteurs d’autres régions du monde. Un congrès est une réunion d’envergure (de plusieurs milliers voire dizaines de milliers de participants) dans laquelle les congressistes, issus d’une même communauté (scientifique, associative, entrepreneuriale, socio-professionnelle etc.) se retrouvent plusieurs jours dans un lieu généralement différent à chaque session, pour discuter, débattre, voire prendre des décisions communes tout en partageant des moments de convivialité (repas, sorties, visites…).
Rappel : en français contemporain, une convention est une réunion d’entreprise, généralement annuelle où un bilan est réalisé et où on parle de l’avenir.

Phygitalisation/hybridation
Sylvie Christofle relève que le tourisme d’affaires est un ensemble de systèmes hybrides. En effet, le tourisme d’affaires est une forme touristique complexe, mêlant activités et motivations de déplacements (foires commerciales, salons, incentives, séminaires etc.), acteurs, temporalités et lieux variés sous une même appellation institutionnelle. Bien que très développé numériquement et géographiquement, le tourisme d’affaires est le parent pauvre de la recherche académique sur le tourisme. Cette dernière demeure, notamment en France, focalisée sur la branche classique et évidente des loisirs, ce qui entraîne, par méconnaissance, des problèmes de compréhension et de reconnaissance de formes touristiques non ludiques. Concernant le tourisme de réunions et de congrès (comprenant essentiellement congrès, conventions d’entreprises, colloques et symposiae) l’hybridation des activités est un fait fondamental ; en effet, la majorité de ces rencontres alternent moments d’informations/de discussions et temps de relationnel, de loisirs, de découvertes du lieu d’accueil de la réunion. De manière plus globale, le tourisme de réunions et de congrès se révèle un domaine d’activité par essence hybride car à l’interface entre le tourisme, l’économique, la science, la communication, la politique voire la géopolitique…Se pose d’ailleurs clairement la question de la pertinence de l’intégration institutionnelle du tourisme de réunions et de congrès dans la catégorie fourre-tout « tourisme d’affaires, ne serait-ce que par clarté sémantique, les congrès et réunions assimilées n’ayant rien à voir avec les affaires, les gains financiers et commerciaux !
En termes d’évolutions contemporaines du tourisme de réunions et de congrès, notons d’abord le grand développement de l’activité depuis les années 1950, avec une croissance accrue depuis des années 1980 et l’élargissement de sa distribution géographique. Même si de nombreuses localités à travers le monde reçoivent congrès et réunions de toutes tailles, une focalisation est remarquée à l’échelle de métropoles de certaines aires géographiques, traditionnelles ou émergentes : Europe, Amérique du nord, Asie du sud-est… Ces dernières décennies, la croissance était portée par une course au gigantisme. Seules des villes d’envergure pouvaient recevoir ces congrès atteignant plus de 10.000 participants et de nombreux accompagnants, voire journalistes, et nécessitant lourdes infrastructures et services multiples. Ces flux massifs pouvaient générer des problèmes d’engorgement de transports, d’hébergements… L’impact de la crise covid19 a été brutal et violent, le secteur évènementiel touristique étant très fortement marqué par des interdictions de rassemblement et des restrictions de circulation drastiques, sur de longues périodes.
Une poursuite de l’hybridation ?
Au-delà des éléments structurels classiques, l’hybridation de l’activité se poursuit sous un nouveau jour avec la crise de covid-19. Selon Sylvie Christofle, les stratégies mises en place par les acteurs de l’évènementiel pour rebondir, permettre les rencontres en temps de crise et préparer l’après-covid ont été variées mais un des points fondamentaux concerne les solutions numériques, maintenant couramment utilisées et devenues bien plus aisées à manipuler pour des non spécialistes. Les professionnels et de nombreux participants sont formés, les lieux d’accueil et les organismes de gestion de destination ont investi dans des équipements et des services adaptés voire innovants – il faut maintenant qu’ils trouvent un modèle économique viable. Mais Sylvie Christofle ne croit pas à la généralisation et à la pérennité du « tout-virtuel dans le milieu des rencontres et des congrès, sauf dans le cas de réunions courtes assurant essentiellement un rôle informatif et où le relationnel est peu ou pas important. Il peut y avoir ainsi une baisse du chiffre d’affaires d’hôtels ou de salles de ville qui louaient des espaces de réunions à la demi-journée ou à la journée (business travel). Par contre, l’avenir peut être envisagé avec la multiplication et l’ancrage des évènements phygitaux ou hybrides (i.e avec des participants en présentiel et d’autres en distanciel). L’hybridation des évènements permet ainsi une reprise normale pour les délégués appréciant le voyage, la rencontre, le relationnel, la découverte (soit le tourisme !) tout en permettant à d’autres de participer au congrès sans se déplacer, que ce choix soit effectué pour des raisons, financières, écologiques, de disponibilité temporelle….. Cette perspective peut rebattre les cartes des localisations de congrès, les grandes destinations gardant leurs avantages acquis mais d’autres villes pourraient accueillir de grands congrès en mode hybride alors que c’était impossible en full présentiel.
L’hybridation à différents niveaux demeure plus que jamais une caractéristique clé du tourisme de réunions et de congrès /MICE.
Pour aller plus loin….
Articles à paraître ou récents sur le sujet
- CHRISTOFLE S. Vocabulaire du discours touristique, entrées : « Tourisme d’affaires » et « Tourisme de réunions et de congrès », in Dictionnaire du Tourisme, sous la direction de B. KADRI, avec le concours de M. DELAPLACE, A. GRENIER et Y. ROCHE, Presses Universitaires du Québec (parution deuxième semestre 2021).
- CHRISTOFLE S. (2021) Phygitalisation : une mutation durable ? Juristourisme, n°242, Dalloz revues, juin 2021 pp. 44-47.
Ouvrages
- CHRISTOFLE S. (2014) Tourisme de réunions et de congrès : mutations, enjeux et défis, Editions Balzac, Perpignan, 204 pages.
Plus général
- GETZ D. PAGE S.J. (2020) Event studies, theory,research and policy for planned events, 4th edition, Routledge, Oxon & New York, 558 pages.