Mélanie et Joaquin inaugurent notre série d’articles « Entretiens avec la nouvelle génération de professionnels du tourisme ». Tous deux sont en Master 2 dans des universités membres d’AsTRES. Bientôt diplômés, ils nous présentent leurs parcours, leurs expériences. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, tous deux ont confiance dans ce secteur qui les passionne et cherchent à rebondir malgré le contexte actuel dicté par la crise sanitaire.

Vous êtes aujourd’hui en Master 2, pourquoi avoir choisi d’étudier le tourisme ?

Mélanie : J’ai d’abord connu le tourisme en tant que cliente : tous les étés, ma famille partait en vacances trois semaines pour découvrir le monde. C’est ce qui m’a menée vers le tourisme et m’a donné envie de passer de l’autre côté afin de permettre à d’autres de voyager. J’apprécie la discipline et la hiérarchie, l’hôtellerie était, pour moi, un choix tout naturel.

Joaquin : Je suis Colombien et je suis venu en Europe avec un visa vacances-travail. Je ne parlais pas français à mon arrivée donc j’ai commencé à travailler dans la restauration puis dans l’hôtellerie. Au fil de ces différentes expériences, je me suis rendu compte que le tourisme est un secteur prometteur avec de nombreuses opportunités. Fort de ce constat, et passionné par les voyages et la découverte de nouvelles cultures, étudier le tourisme a pris tout son sens.

Quel a été votre parcours avant le Master ?

Mélanie : J’ai fait une mise à niveau à Paris en hôtellerie-restauration dans un double parcours français-anglais, puis j’ai obtenu un BTS Hôtellerie-Restauration au lycée technique et hôtelier de Monaco et un Bachelor en Luxe Mode Design qui avait une partie de ses enseignements tournés vers l’hôtellerie. J’ai ensuite rejoint l’IAE de l’Université Côte d’Azur où je suis inscrite en Master 2 Management de l’Hôtellerie Internationale.

Joaquin : A l’expiration de mon visa vacances-travail, je suis retourné en Colombie. J’y ai obtenu un visa étudiant et suis revenu en France, à Paris, pour étudier à l’IREST (Institut de Recherche et d’Etudes Supérieures du Tourisme)[1]. J’ai commencé par une Licence Professionnelle Gestion des établissements hôteliers en alternance à l’Hôtel Melia afin d’acquérir une base de connaissances solides. Ensuite, je suis entré en Master EDTI (Economie du Développement Touristique International), en alternance toujours, à Sodexo Sports et Loisirs.

Comment se sont passés les cours en distanciels pour vous ?

Personne travaillant sur un ordinateur portable

Mélanie : En Master 1, nous avons pu terminer les cours avant les premières mesures gouvernementales. Malheureusement ce ne fut pas le cas en Master 2. Le premier semestre a commencé en présentiel et s’est terminé en distanciel. Le second semestre de Master 2 lui s’est complètement déroulé à distance. Suivre les cours a été difficile car certaines matières ne se prêtent pas nécessairement à ce support. Par exemple, il est compliqué de suivre certaines démarches pédagogiques à travers un écran pour des cours comme l’analyse financière.

Joaquin : Nous avons basculé en distanciel à la fin du second semestre de Master 1. Pour moi, cela a été une période stressante à cause des nombreuses incertitudes qui l’entouraient. Est-ce que les partiels vont avoir lieu ? Sous quelles formes ? Quelles matières passeront ou non en contrôle continu ? Suivre les cours en ligne était aussi épuisant. Ces semaines à suivre les cours en étant confiné ont été très intenses. De plus, j’étais également inquiet pour ma famille en Colombie. Avec le second confinement, on a de nouveau dû suivre les cours en distanciel mais cette fois-ci, l’expérience était moins difficile car malgré tout, nous étions tous mieux préparés à cette situation. En dépit des difficultés, j’ai appris beaucoup de choses et j’ai pu développer mon réseau car l’IREST reçoit de nombreux intervenants externes.

Au niveau professionnel, comment est-ce que la pandémie a influé ou non sur votre expérience ?

Mélanie : Mon stage de Master 1 avait lieu dans une agence de voyage de luxe monégasque rattachée au leader mondial de la billetterie des Grands Prix de F1. Après seulement deux semaines et demie du début de ma prise de poste, l’activité a dû s’organiser en distanciel à cause de la situation sanitaire. J’ai pu conserver mon stage mais j’ai perdu mon indemnité (le gouvernement monégasque ne prenait en charge le chômage partiel que pour les salariés et pas pour les stagiaires). En revanche, je suis fière d’avoir pu participer au développement d’un projet innovant :  la création du premier local dédié à la réalité virtuelle à Monaco. Notre but était de répondre à une problématique : l’impossibilité de voyager pour nos clients. Pendant trois mois, ils ont été accueillis dans notre showroom et ont pu voyager grâce à des casques de réalité virtuelle. Ces expériences complètement immersives (son et images) permettaient ensuite de les orienter vers des offres de voyages disponibles pour l’année suivante. Prochainement, je vais commencer mon stage de fin d’études en tant qu’assistante de direction dans un hôtel à Nice dont l’ouverture était initialement prévue début avril[2].

Femme avec un casque de réalité virtuelle

Joaquin : En Master 1 et 2 j’ai été en alternance auprès de Sodexo Sport et Loisirs. Je travaille au service commercial tourisme et j’assiste au développement commercial des zones Amérique Latine, Espagne et Italie. Cette expérience a été très enrichissante et j’ai beaucoup appris notamment auprès de ma manager. L’activité est à l’arrêt depuis mars 2020, et je suis encore au chômage partiel, mais j’espère pouvoir retourner sur site avant la fin de mon contrat.

Comment se passe la rédaction de votre mémoire ? Quels impacts a eu le Covid sur sa conception et rédaction  ?

Mélanie : Dans mon Master, les étudiants ont deux possibilités. S’ils effectuent un stage alors le mémoire sera un mémoire professionnel, dans le cas où un étudiant n’a pas de stage le mémoire sera un mémoire de recherche. En Master 1 j’ai donc rédigé un mémoire professionnel et – si tout va bien – j’en ferai un second en Master 2. En Master 1, mon mémoire avait pour sujet « la réalité virtuelle au service des agences de voyages », sans la pandémie je n’aurais pas écrit sur cette thématique. Pour mon prochain mémoire j’aimerais aborder comme sujet : « l’ouverture d’un hôtel en période covid ». La situation sanitaire a, d’une certaine manière, influé sur mes deux sujets.

Joaquin : Pour moi, le thème était tout trouvé : la Colombie. J’ai décidé que mon mémoire aurait pour sujet le tourisme communautaire à Los Montes de Maria, une région de Colombie dont je suis originaire. Cette région est peu touristique et a été très touchée par la guerre. Pour mon terrain, je me concentre sur cette région et plus précisément sur mon village d’origine : Ovejas qui est connu pour organiser un festival annuel de musique traditionnelle. Cette musique qui s’appelle la musique des Gaitas est issue d’un mélange entre les musiques indigènes, africaines et européennes. C’est en quelque sorte « grâce » à l’épidémie que mon terrain en Colombie a pu durer trois mois. Si je n’avais pas été au chômage partiel, je ne serais resté que deux semaines sur place. Ce temps supplémentaire m’a permis de rencontrer plus de personnes, d’avoir une vision plus large et plus solide de mon terrain. Dans mon mémoire de recherche, je cherche à appréhender les relations entre le patrimoine immatériel et le tourisme communautaire mais aussi comment ce tourisme communautaire peut être à l’origine d’une « reconstruction sociale » et être facteur de paix.

Joaquin : Mon pays vit en effet une période importante : la guerre est finie mais les problèmes sociaux sont nombreux et doivent être pris en main. A travers ce mémoire et les recherches que je mène, j’espère pouvoir apporter quelque chose à ma communauté. En parallèle de ce mémoire, j’ai développé avec une camarade de classe un projet de tourisme communautaire (Escucha Colombia) pour le New Explorer Challenge (N.E.C) et nous sommes finalistes (ndlr : quelques jours après notre entretien son projet a remporté le concours). Escucha Colombia propose aux voyageurs de parcourir une véritable route culturelle et d’aventure tout au long d’une forêt sèche tropicale (un écosystème en danger d’extinction) au son de la musique traditionnelle de Gaitas, pour découvrir une merveilleuse région qui s’ouvre au monde après avoir subi les terreurs de la guerre. Ce concours a été une opportunité pour moi de voir que ma région a du potentiel.

Le N.E.C a pour but principal de placer la nouvelle génération au centre des préoccupations, donner la voix aux étudiants afin de construire un tourisme d’aventure plus vertueux et de se tourner vers l’avenir de façon positive et solidaire.

Vous avez eu l’opportunité de participer à des expériences entrepreneuriales marquantes, pourriez-vous nous les décrire ?

Mélanie : Chaque année les élèves du Master 2 participent à un concours : le Challenge Jeune-Pousse qui est sponsorisé par Telecom Valley. C’est le seul concours entrepreneurial étudiant de Côte d’Azur. Dans mon équipe, nous avons développé un projet de paniers de légumes dans des machines automatiques et disponibles dans un premier temps en gare, et potentiellement dans les centres commerciaux et sur la voirie. Grâce à une application mobile les consommateurs pourront sélectionner deux types de panier : un panier de recette (avec les fruits et légumes disponibles pour ladite recette) ou un panier personnalisable. Le paiement se fera sur l’application et grâce à un QR code ou un code SMS. Le client peut récupérer son panier quelle que soit l’heure. Nous avons terminé parmi les 3 finalistes !

Joaquin : J’épaule un ami qui a créé un centre de formation en Colombie (Centro de Estudios del Golfo). Mon rôle est de développer une offre de formation qui réponde aux besoins en termes de compétences du secteur touristique. L’objectif est d’aider autant les plus jeunes que les personnes qui travaillent depuis des années dans le tourisme. Avec ce type de formations, j’espère sensibiliser le plus grand nombre au tourisme durable. La Colombie, avant la pandémie, commençait à attirer de plus en plus de touristes internationaux et je souhaite que mon pays suive le chemin du Costa Rica (ndlr : champion du tourisme responsable). Le développement durable du tourisme passera par l’éducation, la formation et le soutien à des projets communautaires, facteurs de reconstruction sociale.

Que comptez-vous faire une fois diplômés ?

Mélanie : Ma passion c’est l’hôtellerie, j’espère être recrutée à l’issue de mon stage. A plus long-terme j’aimerais devenir directrice d’hôtel ou avoir en gestion mon propre hôtel.

Joaquin : J’espère pouvoir travailler en France et acquérir de l’expérience. J’aimerais devenir consultant et aider au développement en Colombie mais aussi dans le reste du monde de projets touristiques comme celui que l’on a présenté au N.E.C Challenge. Grâce aux cours de l’IREST, je me suis rendu compte que des projets réalisés dans certains pays pouvaient être applicables dans d’autres. Pour moi le tourisme, c’est l’idée d’échanger et de rencontrer des communautés.

Mélanie et Joaquin représentent à merveille le secteur touristique toujours qualifié de résilient. Tous deux, ont su malgré les difficultés, saisir les opportunités qui se sont présentées à eux durant leur Master et ont même su les créer ! A la suite de cet entretien, on ne peut qu’avoir de l’espoir pour le secteur qui va bientôt les accueillir et où ils sauront très certainement se créer leur propre place.


[1] Institut faisant parti de l’université Paris Panthéon-Sorbonne

[2] Incertitude sur la date d’ouverture à cause de la situation sanitaire et des restrictions imposées dans le département

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